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Comme souvent en psychiatrie, la question de la médication n’a pas été pour moi un long fleuve tranquille. Au moment de ma décompensation et compte tenu des symptômes que je présentais, ma femme et mon psychiatre ont rapidement insisté pour que je sois médiqué. Le problème est bien entendu… qu’en ce qui me concernait, je pensais que mes difficultés ne relevaient pas de la psychiatrie, mais uniquement de l’ésotérisme ; j’ai donc longtemps refusé toute médication. Quand après plusieurs mois, je me suis retrouvé seul et passablement angoissé ; j’ai accepté de prendre un traitement ; mais rien ne semblait me convenir. J’ai donc passé d’une médication à une autre en testant presque la totalité de la classe des médicaments psychotropes (neuroleptiques de différentes générations, benzodiazépines, antidépresseurs et même certains opiacées). C’est au cours de ma première hospitalisation qu’un traitement fixe, plus durable a été prescrit et à cette occasion, j’ai vécu l’épisode suivant :

J’étendais des voix de manière régulière ; mais pour moi, dans le cadre hospitalier ce phénomène n’était pas uniquement négatif ; à plusieurs reprises je me suis rendu depuis l’hôpital à des réunions d’entendeurs de voix, pour partager avec d’autres mes expériences ; je trouvais véritablement du sens à ces échanges. L’équipe soignante était partagée, à savoir qu’une partie pensait que, comme j’avais toujours des hallucinations auditives, il fallait augmenter le traitement de neuroleptiques ; une autre partie de l’équipe trouvait qu’il fallait respecter ce que je souhaitais et que si cela faisait sens pour moi, il était important de respecter mon choix. La cheffe de clinique m’a fait part des différentes positions ; puis, elle a tranché dans le sens de ne pas m’imposer une augmentation du traitement. J’ai été très sensible à cette reconnaissance du sens que je donnais à ce que je vivais à ce moment-là.
Une fois sorti de l’hôpital, je n’ai pas suivi de traitement de manière très régulière ; je me faisais des cocktails en fonction de l’importance de mes délires, de mes angoisses. Pendant cette période, j’ai très régulièrement mélangé alcool et médicaments. J’ai fait quelques brèves hospitalisations ; pas suffisamment longues pour véritablement permettre l’instauration d’un nouveau traitement.
Lors de ma dernière hospitalisation qui a duré quatre semaines, j’ai vécu l’épisode suivant :

Dès le début, j’ai bénéficié d’un important traitement neuroleptique ; cela m’était indifférent ; j’avais été très mal et je ne remettais pas en question ce choix thérapeutique. Après quelques jours, j’ai commencé à avoir des effets secondaires, j’avais des impatiences dans les bras, ce qui était vraiment très difficile à supporter. Pour éviter ces effets indésirables, J’ai demandé à l’équipe de diminuer ma médication ou de me prescrire un traitement antiparkinsonien. Il n’y a pas eu d’entrée en matière pour une diminution du traitement, mais je pouvais, au compte-goutte, demander un comprimé antiparkinsonien ; mais cela seulement si je constatais des effets secondaires, rien n’avait été prescrit d’office. Lors d’un week-end de congé, je n’avais pas suffisamment de médicaments antiparkinsoniens en réserve et j’ai souffert d’effets indésirables, vraiment très désagréables. Depuis ce jour, j’ai décidé de ne plus prendre mon traitement neuroleptique ; J’ai donc recraché discrètement la totalité de mes comprimés et cela jusqu’à ma sortie de l’hôpital. A la base, Je n’étais pas vraiment convaincu de l’utilité des neuroleptiques ; mais c’est le sentiment de ne pas avoir été suffisamment pris en compte dans mes demandes, qui m’a amené à adopter cette position radicale.

Lors de mon retour à domicile, je ne prenais donc plus aucun traitement. Au cours de ma première visite chez mon psychiatre, se pose bien entendu la question de la médication ; je lui dis que pour ce qui concerne mon traitement, il n’y a pas de problème, que je me conforme à ce qui a été prescrit…Celui-ci me regarde et dit : « Vous savez, je passe plus de la moitié de mon temps à parler avec des gens qui disent qu’ils prennent leur traitement et qui en fait, ne le prennent pas. Alors, dite-moi quelle relation vous avez à votre médication et ensuite on regarde, on adapte, je ne vous impose rien. »

J’ai bien apprécié l’honnêteté et l’ouverture de son entrée en matière et j’ai accepté de reprendre un traitement ; celui-ci a été adapté à plusieurs reprises ; puis j’ai gardé la même médication pendant plusieurs années.